Tuesday, July 31, 2007

Agir sur l'environnement

Cette question est restée longtemps, pour moi, dans le domaine du théorique. (Il faut dire que je ne suis pas une personne très ordonnée !). Je n'arrivais pas à voir ce qu'il fallait changer dans l'environnement pour changer l'ambiance. Je croyais qu'il fallait que tout soit propre et bien rangé. Finallement, il le faut !...mais dans un esprit particulier !

J'avais lu de nombreux livre et articles de Maria Montessori, je connaissais le sujet...mais je n'arrivais pas à l'appliquer, à ... l'INCARNER. Tout cela restait au niveau de mes idées, mais ne se concrêtisait pas.

C'est finallement une expérience avec mon fils Alexandre qui a fait tout basculer. J'ai alors compris que notre vision "d'en haut" n'est pas leur vision "d'en bas". Qu'un adulte à coté d'une baignoire voit l'enfant "dans" son bain, "dans" dix centimètres d'eau, et ne voit pas "d'en haut" les bord de la baignoire comme un immense mur infranchissable. Alors que c'est ce que vit l'enfant. Nous avons de longs bras qui peuvent le monter très haut, puis le redescendre rapidement dans la serviette préparée pour lui, et le sécher vigoureusement. L'enfant lui peut être effrayé de cette montée subite et de cette descente vertigineuse, où il croit qu'il va s'écraser ! Mon fils avait peur, et il a fallu qu'un jour le savon s'échappe et que je me retrouve à quatre patte sur le sol de la salle de bain ... pour voir la muraille qui retenait mon fils prisonnier de son bain, et de me relever rapidement, ... pour comprendre que cela pouvait représenter une sacrée hauteur. Nous ne mesurons le monde qu'à l'aulne de notre corps, et le sien était si petit !

Le texte suivant parle de cela...notre supériorité dans ce monde fait pour l'adulte, où l'enfant, encore aujourd'hui, du fait des proportions, est mis dans l'incapacité de faire par lui même...ce qui est absolument néccéssaire à son développement. (toujours dans "l'enfant dans sa famille" p 65).

Voyez plutôt cette photo que j'ai récupérée sur le site de l'AMI (http://www.montessori-ami.org/), rubrique congrès de Sydney 2005, dans "photos" répertoire "home env" :

Taille adulte


" Aussitôt préparés les meubles de petite taille dont les enfants ont besoin, nous constatons à quel point l'activité des petits s'ordonne. Leurs mouvements sont guidés par la force de la volonté; ils peuvent rester seuls sans courir de risques, car ils savent ce qu'ils veulent. Chez les enfants, il existe un besoin d'agir presque plus impérieux que celui de se nourrir, mais nous n'avons pas pu en prendre conscience car jusqu'à présent il a manqué un champ d'activités adapté. Si nous leur en proposons un à l'avenir, nous verrons ces petits tourmenteurs, toujours mécontents, se transformer en joyeux ouvriers. Le destructeur invétéré se transforme ainsi en gardien attentif des objets qui l'entourent,l'enfant bruyant et désordonné devient un être paisible et très ordonné. Mais si les moyens extérieurs adéquats lui font défaut, l'enfant ne pourra jamais utiliser les grandes énergies dont la nature l'a doté. Pourtant, il ressent un élan instinctif vers une activité qui rassemble toutes ses forces, car de cette manière seulement il pourra perfectionner ses facultés. Tout dépend de cela."

Saturday, July 28, 2007

un enfant caché : le "nouvel enfant"

Par ces deux pas s'accomplit la préparation nécessaire au fondement: elle aboutit à un changement d'ordre moral tant pour l'adulte que pour l'enfant.
En effet, après avoir préparé un environnement proportionné à l'enfant et avoir soumis différentes activités à son libre choix, dans le calme du travail, l'enfant a commencé à montrer des caractéristiques jamais reconnues jusque-là.
L'environnement adapté aux besoins les plus évidents et élémentaires de sa vie spirituelle, révéla des attitudes qui jusque-là étaient restées secrètes, cachéês chez l'enfant, car, dans le conflit avec l'adulte, seuls les caractères de défense
et de répression avaient été développés. Il existe donc deux personnalités psychiques chez l'enfant: l'une, naturelle et créative, qui est normale et supérieure, l'autre qui reflète l'adaptation forcée, qui est inférieure et a des caractéristiques âpres et tortueuses du combat d'un faible attaqué par un fort. La nouvelle donnée qui résulte de cet ordre de choses et qui est devenue comme un phare éclairant le chemin de l'éducation, est la figure du nouvel enfant: c'est la révélation, si ce n'est la « découverte » psychologique, qui a guidé la nouvelle éducation. A l'aise dans ses actes, le nouvel enfant fait preuve de confiance en soi et de courage, et se montre doté des forces morales qui sont aussi d'ordre social. Parallèlement à cela, on voit disparaître chez lui -ou plutôt, ne pas apparaître -les défauts que l'on avait tenté en vain d'effacer par l'éducation: le caprice, l'esprit de destruction, le mensonge, la timidité, la peur et plus généralement tous
les traits de caractère liés à un état de défense.
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Thursday, July 26, 2007

Changeons notre rapport à l'enfant

Où est la racine du problème de l'éducation ? dans notre rapport à l'enfant nous dit Maria Montessori dans "l'enfant dans sa famille" p141-142 édition Desclée de brouwer.

"Or les soi-disant problèmes de l'éducation -notamment ceux qui concernent l'individualité, le caractère,le développement de l'intelligence -trouvent leur origine dans le conflit permanent qui existe entre l'adulte et l'enfant. Les obstacles que l'adulte oppose à l'enfant sont nombreux et graves; ils sont d'autant plus dangereux que l'adulte s'adresse continuellement à l'enfant, qu'il s'arme contre lui en quelque sorte par le droit, la science et sa volonté de le diriger selon ses propres convictions. C'est pourquoi,l'adulte le plus proche de l'enfant -la mère ou l'éducateur - est justement celui qui représente le plus grand danger pour la formation de la personnalité enfantine. La question de ce conflit primitif entre le fort et le faible, ne concerne pas seulement l'éducation, mais elle se reflète aussi dans la vie psychique de l'adulte, en donnant la clé de nombreuses psychopathies et anomalies du caractère et du sentiment; la question est donc d'ordre universel si ce n'est cyclique, car elle passe de l'adulte à l'enfant et de l'enfant à l'adulte."

Biensûr nous ne voulons pas de mal à nos enfants...mais nos capacités à supporter les conséquences de leurs besoins entrent parfois très durement en conflit avec nos propres besoins, et là, c'est la crise ! Tant que le rapport parent - enfant ou éducateur - enfant est un rapport de force, nous sommes dans une impasse. Chacun essayant désespéremment d'aller vers une satisfaction de ses besoins. Pourtant, le plus souvent, le seul à pouvoir prendre un peu de distance par rapport à la situation, le seul capable de rompre le cercle vicieux, c'est l'adulte. A lui de prendre conscience des besoins de l'un et l'autre, et de les mettre en mots, pour aider la reprise de dialogue. Car ce n'est pas dans le conflit que la solution durable peut-être trouvée, c'est dans le dialogue. Il nous faut prendre soin de la communication. Pour améliorer le système, il faut donc commencer par l'adulte. Et c'est ce que nous dit Maria Montessori dans la suite du texte:

"Le premier pas pour résoudre intégralement le problème de l'éducation ne doit pas être fait vers l'enfant, mais vers l'adulte éducateur: il faut apporter de la clarté à sa conscience et le libérer d'un grand nombre de préjugés ;
pour finir, il faut changer ses attitudes morales."

Prendre conscience, trier les ideés et épurer notre vision du monde...aller vers plus de vérité, revisiter nos façon de concevoir les choses, et encore évacuer ce qui ne nous semble insuffisamment juste, jusqu'à, petit à petit, penser de plus en plus par nous même, et quitter le pilotage automatique des idées pré-concues (pilotage indispensable quand on n'a rien d'autre ! mais peu précis quand on compare à la délicatesse du pilotage manuel !)pour une vision personnelle INCARNEE. C'est quand l'idée atteind le corps qu'elle existe vraiment. Et c'est à ce moment que le corps rencontre le réel concret de l'environnement. Modeler le contexte dans lequel l'enfant va puiser la matière de sa construction afin qu'il trouve ce dont il a besoin. Répondre à ce besoin, comme on choisi une alimentation équilibrée, pour éviter les carences, ou les excès qui génèrent les problèmes éducatifs. Maria M. continue sur ce thème :

"Ce premier pas est suivi du deuxième: préparer à l'intention de l'enfant un environnement sans obstacles, adapté à sa vie."

Mais elle s'empresse d'ajouter :

"L'environnement ne peut être déterminé que par une seule personne: l'enfant lui-même,lequel, au fur et à mesure qu'il est libéré du besoin de lutter contre des obstacles, commence à manifester ses caractéristiques supérieures et ses tendances les plus élevées et pures de créateur d'une nouvelle personnalité."

Il nous faut donc à la fois observer les besoins de l'enfant et agir sur l'environnement pour que ses besoins (et non pas ses désirs !) soient comblés.

Thursday, January 18, 2007

la sortie, clef de la culture

Coménius inventa avant l'heure l'encyclopédie presque uniquement visuelle. Il rassembla sous forme d'images tout ce que la connaissance de l'époque savait. C'est l'idée de l'encyclopédie qui était inventée ! La différence c'est que l'encyclopédie utilise des mots, donc un niveau plus abstrait de la connaissance alors que les illustrations de Coménius, tout en couvrant toute la connaissance de son époque étaient d'un abord plus direct. Maria Montessori a été très sensible à cette découverte.

Car amener à l'enfant la connaissance globale de l'univers n'est pas chose facile à première vue. Dans " de l'enfant à l'adolescent", Maria Montessori nous enseigne que l'enfant après 7 ans a besoin de sortir du cocon dans lequel il a été élevé jusque là...et s'insurge contre un enfermenent de l'enfant dans un autre milieu clos qu'est l'école. Elle montre que Comélius en créant une bibliothèque d'images pour permettre d'accéder plus facilement à une connaissance globale du monde apporte un moyen puissant à la pédagogie de mettre le monde à la portée de l'enfant. Mais elle ne s'arrête pas là. Elle écrit :

"Pourtant, l'idée (d'apporter un savoir qui ne soit pas seulement verbal ou écrit) est demeurée, et l'on a commencé à enseigner au moyen d'objets palpables. Mais comme les idées s'amoindrissent en se vulgarisant, au lieu d'être apporté par un Coménius - qui connaissait tout - la maîtresse en se substituant à lui, n'a apporté que ses maigres connaissances mises en images.
Et puis, on imagina que la représentation en deux dimensions était insuffisante pour la compréhension de l'enfant. On lui présenta alors ce peu de connaissance en nature. Mais devant la difficulté de se procurer et de conserver les objets, ils furent enfermés dans un musée. Toute école moderne qui se respecte doit avoir son musée. Et voilà qu'auprès d'enfants enfermés, se trouvent des objets enfermés."

Maria Montessori a découvert combien nous sous-estimons la puissance de l'intelligence de l'enfant. Elle nous invite à présenter aux enfants un savoir complet, non simplifié par nos soins, non tronqué. Elle écrit :

"Quand l'enfant sort, c'est bien le Monde lui-même qui s'offre à lui. Au lieu de fabriquer des objets qui représentent des idées et de les enfermer dans une armoire, faisons sortir l'enfant; montrons lui les choses dans leur réalité. Dans son ensemble, le monde répète toujours plus ou moins les mêmes éléments. Si on étudie, par exemple, la vie des plantes ou des insectes dans la nature, on a plus ou moins idée de la vie des plantes ou des insectes dans le monde. Personne ne connaît toutes les plantes. Mais il me suffit de voir un pin pour pouvoir imaginer comment vivent tous les autres pins.(...) le monde s'acquiert psychologiquement à travers l'imagination. On étudie la réalité du détail, puis on imagine l'ensemble. Ce détail peut croître dans l'imagination et atteindre la connaissance totale. Le fait d'étudier ces chose est en quelquesorte, une méditation sur le détail. Cela revient à dire que l'on approfondit dans un individu la personnalité d'un fragment de la nature." Et plus loin dans le texte ...

"Aucune inscription, aucune image d'aucun livre ne peut remplacer la vue réelle des arbres dans un bois avec toute la vie qui se déroule autour d'eux. Il émane de ces arbres quelquechose qui parle à l'âme, quelquechose qu'aucun livre, aucun musée ne pourrait rendre" (...) "Ces myriades de vies autour de ces arbres, et cette majesté, cette variété, c'est quelquechose qu'il faut aller chercher, et que personne ne peut apporter à l'école. "

Maria Montessori "de l'enfant à l'adolescent" Desclée de Brouwer Ed.2004 p 46 - 47

Montessori et Comenius

Jan Amos Comenius est né le 26 mars 1592 en Moravie, il meurt à Amsterdam en 1670. C’est la période de Louis XIV, il vient après Erasme et Montaigne.
(pour plus d'infos voir : http://www.silapedagogie.com/comenius.htm )

Maria Montessori y fait référence dans de "l'enfant à l'adolescent" dans son chapitre "passage à l'abstraction - rôle de l'imagination ou la sortie, clef de la culture"

Il dit que le professeur devrait enseigner ce que l'élève peut saisir et non tout ce que lui-même est capable d'enseigner.

Il parle des sens, qui sont les guides premiers et perpétuels de la connaissance. Ils donnent la connaissance la plus sure, plus sure que celle qui passe par autrui, puisqu'ils apportent directement des éléments objectifs.
Il amorce ici l'importance du passage par les sensations propres de l'enfant pour que celui-ci soit amené à penser par lui même, et non passer toujours par ce qui est simplement rapporté par autrui (fût-il son maitre !).
La sensation permet de rétablir l'harmonie entre l'ordre des choses enseignées et la spontanéité du sujet percevant.
Il préconise de ne pas séparer le manuel du mental, le savoir et le savoir-faire. Il est nécéssaire de se servir de l'expérience pour enseigner car c’est elle qui fait le lien entre la maturation et les connaissances.
Comenius est donc le précurseur de l’idée génétique, c’est à dire l’éducation graduée, proportionnelle aux capacités des élèves.

Il dit que l'éducation doit respecter le processus du développement de l'enfant, comme pour la nature, qui, elle, attend le moment favorable.

Il faut enseigner ce que l'enfant est prêt à recevoir.

" L'intelligence des enfants est semblable à un petit vase au col étroit: si on verse l'eau à flot, l'eau tombera à coté et le vase se remplira lentement; mieux vaut verser l'eau goutte à goutte."
C'est donc une sottise de ne pas tenir compte de la capacité d'absorption des élèves et de les instruire selon son propre désir, leurs qualités naturelles ont besoin d'être aidées, non écrasées.

Des connaissances acquises par l'expérience, fonctionnellement, tendent spontanément à s'organiser de telle sorte qu'il sera possible de les coordonner selon des structures logiques et verbales, alors qu'un enseignement formel avant la compréhension amène au verbalisme.

Ne laissons pas les enfants privés de cette joie de percevoir par eux-même la vie. Ne les forçons pas à vivre par procuration...ne doutons pas qu'ils puissent avoir leur propre pensée !